« Mobilis in mobile », mobile dans l’élément mobile. C’est par la devise du Nautilus, le sous-marin de Vingt mille lieues sous les mers imaginé par Jules Verne, que s’ouvre cette exposition dont le titre reprend celui d’un tube écrit par Jean-Michel Rivat et chanté par Desireless en 1986. À ceci près qu’il en passe la moitié au pluriel, comme pour mieux signifier la polysémie d’un terme qui, éternellement, transporte corps et âmes vers un ailleurs rêvé. Valise, voiture, soleil, carte, exil… C’est en somme d’un voyage autant géographique que mental que parlent les artistes, touristes comme nous, à bord de ce vaisseau dominant la rade de Marseille. Quelque part entre les installations à sensation de Chiharu Shiota, Richard Baquié, Mona Hatoum ou Barthélémy Toguo, un charme discret opère : celui du retour d’Ulysse, revu par Giorgio De Chirico, de la baie de Tanger, saisie un jour d’orage par Matisse, des cartes postales d’On Kawara, toutes annotées de son heure de réveil, ou d’un départ en auto indigo, ce bleu de la nuit américaine recouvrant toutes les toiles de Jacques Monory. Le voyage, c’est encore celui qu’entreprennent Robert Smithson lorsqu’il tourbillonne au-dessus de sa Spiral Jetty déposée sur le Grand Lac Salé de l’Utah, Oskar Kokoschka, qui surplombe le port de pêche de Polperro encaissé entre les falaises de Cornouailles, ou Camille Henrot, scrutant les fonds marins de l’île de Santo, au Vanuatu, jonchés des blindés et canons laissés par l’armée américaine après la Seconde Guerre mondiale… le tout entre deux extraits d’un clip montrant un Français à moustache prendre du bon temps sur une plage du Pacifique, entouré de jeunes et jolies Vahinés. L’odyssée s’achève là, en Polynésie, dont le ciel et la mer inspireront à Matisse, près de vingt ans après son séjour, les cartons de deux tapisseries, réunies pour la première fois.
Voyage Voyages, Mucem, Jan 22 - May 4, 2020.
La Gazette Drouot, n°09, Mar 5, 2020.