Alors que la capitale s’apprête à accueillir son tout premier match de saison régulière NBA, retour sur les initiatives qui en font une place forte de la balle orange.
Ce matin-là, les Orgues de Flandres ondulent dans le ciel bleu de Paris. Amis d’enfance, Bakary Sakho et Paul Odonnat sont nés ici, « dans l’arrondissement le plus jeune et le plus criminogène de la capitale », et n’en sont jamais partis. À chacun sa banlieue, la leur, ils l’aiment et elle s’appelle le 19e. Ensemble, depuis vingt ans, ils œuvrent à « concilier action et performance sociale », entre « réponses concrètes aux problématiques que rencontrent au quotidien les habitants du quartier » et « merguez party » : « On ne veut pas être de simples pompiers. Chacune de nos actions a vocation à perdurer, à fédérer des jeunes qui en deviennent eux-mêmes porteurs. La question du relai est au cœur de tout ce qu’on entreprend » commente Bakary, grand orateur et militant qui, depuis Braves Garçons d’Afrique, sa première structure fondée en 2000, n’a jamais cessé de monter au créneau.
Aujourd’hui consultants pour la Fédération Française de Basket comme pour la Direction de la Jeunesse et des Sports auprès de la Mairie de Paris, les deux enfants de la balle cumulent les mandats, en parfaits entrepreneurs : de Faces cachées, leur maison d’édition, à VM1, leur web radio animée par le collectif de journalistes Boucan Media, ils s’échinent à faire bouger les lignes. Ainsi de Meltin’Club Paris, association née en 2010 avec pour objectif de « démocratiser la culture et la pratique du basket », histoire de pallier « le manque de vision politique » d’un pays où, paradoxalement, le basket occupe la seconde place des sports collectifs les plus populaires, avec plus de 600 000 licenciés. Dans le sillage de Meltin’Club, une série de projets autonomes traversés par un même engagement, à l’image de Sport en Scène, festival de films et documentaires sportifs qui, entre projections gratuites et débats, « utilise l’outil cinématographique pour raconter des histoires d’hommes et de femmes à travers le sport ». Ou d’Oasis sportive, conçu comme « un programme de solidarité internationale participant activement au co-développement Nord Sud ».
En clair ? Réhabiliter et animer des terrains, de Paris à Dakar. Premier fait d’arme, la rénovation du gymnase Jean Jaurès, inauguré par la légende des Lakers Kobe Bryant le 22 octobre 2017, « l’année de notre premier sponsoring avec Nike Jordan », précisent les deux complices. En 2019, c’est au tour du playground de la Cité Curial de faire peau neuve, avant d’être étrenné le 21 juin par Jayson Tatum, l’ailier star des Boston Celtics. Trois mois plus tard, c’est la consécration avec la réouverture du mythique playground de Stalingrad, sous le métro aérien. Mecque du streetball reconvertie en repère de dealers avant que les migrants n’y trouvent refuge, le terrain finira par fermer définitivement ses grilles en 2016 « pour cause de trouble à l’ordre public » : « Il nous tenait à cœur de défendre ce patrimoine auprès de la Ville, qui nous a attribué 500 000 euros dans le cadre du budget participatif » se félicitent Paul et Bakary. Plus jeunes, eux aussi ont fréquenté cette « cage » dans laquelle le vice-champion olympique Moustapha Sonko avait ses habitudes. Aujourd’hui, ils en assurent la gestion : réservé aux scolaires la journée, le playground devient tout public à 17h, et reçoit en priorité les filles sur l’un de ses deux terrains. Au centre, un « espace d’expression » accueille expos, concerts, débats, pop-up stores et autres vides greniers. Ou comment réconcilier présent et passé. Parfait contre-exemple, le Jordan Legacy Court, rue des Haies, dans le 20e, inauguré en 2015 par Jordan et Hidalgo : « Ce qui aurait dû être un événement national n’a pas pris parce que le terrain n’a historiquement aucun lien avec la communauté basket. »
Mais la fierté du duo porte un autre nom, All Parisian Games : « C’est notre seul projet élitiste, un événement annuel qui valorise la jeunesse et qu’on a travaillé comme une marque. » Le principe, calqué sur le modèle des All Star Games, est simple : 48 joueurs sélectionnés sur 500 candidats composent 4 équipes de 12. Rive Droite et Rive Gauche, bleu et rouge, garçons et filles, le duel est partout. « L’enjeu était de fédérer la communauté basket en soutenant les talents U20 franciliens. Classés par catégories d’âges, ce sont les meilleurs de leurs générations. Nous ne sommes pas un centre de formation : certains joueurs sont déjà dans les radars des agents et s’apprêtent à entrer dans le grand bain du sport pro. Et il n’y a pas de place pour tout le monde » assènent les deux associés, qui citent en exemple les prodiges Allan Dokossi ou Helena Ciak. « L’entrée ne sera jamais payante, il n’y aura jamais de musique pendant nos matchs, ni d’espace VIP. Nos stars, ce sont nos joueurs qui ont droit à tous les honneurs, dotation, shooting, street parade en fanfare… Ce n’est pas le “All Paul Bak Game”, ici, il n’y a pas de question d’ego. »
Parce qu’ils n’ont pas la folie des grandeurs, Paul et Bakary peuvent s’attarder sur l’essentiel, le jeu : « Si le match des garçons est ultra spectaculaire, celui des filles, à 15h45, est tout aussi beau. Le public qui n’entre pas à 15h ne verra rien. Après on n’accepte plus personne, ce n’est pas à la carte. » Et la recette fonctionne. Sans effet d’annonce, avec une communication tardive lancée une semaine avant le jour J, les All Parisian Games font invariablement salle comble : « Nike est venu nous chercher au bout de 4 ans, quand l’événement avait déjà acquis une solide réputation. Il fédérait bien avant de pouvoir recevoir Jayson Tatum ». Des guests stars qui du reste, arrivent toujours par surprise : « En 2019, quand Lebron James débarque, le public est venu un vendredi 31 août à 14h pour voir un tournoi filles. Même notre staff n’était pas au courant. Quand on voit nos jeunes se retrouver face à leurs joueurs de référence, des modèles de réussite qui les influencent au quotidien dans leur pratique, on a tout gagné. » Avec son logo signé Maison Château Rouge – « des amis » – All Parisian Games a tout d’une marque. Le cœur en plus.
« On dit que les filles ne veulent pas faire de sport, mais personne ne va les chercher ». Quand il s’agit de parler de basket au féminin, Agnès Sylvestre ne mâche pas ses mots. Dans le local de la rue Madeleine Rebérioux, elle nous raconte la trajectoire de Paris Basket 18, le premier club féminin de la capitale, fondé en 2001 à l’initiative de deux professeurs d’EPS du collège Gérard Philipe, situé rue des Amiraux, dans le 18e. Depuis 2004, elle en a endossé à peu près tous les rôles, de coach à présidente. Mi-âme, mi-couteau suisse.
« Grâce à des entraînements réguliers de qualité, les résultats sont très vite arrivés ». Avec quatre titres de championnes de France au compteur, PB18 peut se vanter d’avoir le flair en matière de détection. Il faut dire que le club, qui a vu défiler des joueuses passées pro comme Olivia Epoupa, Kadidia Minte, Touty Gandega ou Awa Sissoko, et compte aujourd’hui près de 80 licenciées, de U13 à U17, ne ménage pas ses efforts : « Quatre à cinq fois par semaine, on propose aux classes de CM2 des 17e, 18e, 19e et 20e arrondissement des initiations gratuites, dans le but de repérer des potentiels : des filles grandes, avec des qualités athlétiques hors-normes, ou qui aiment assez le basket pour qu’on les pousse. » Le but de ces sessions de recrutement ? Grossir les rangs de la section sportive du collège : « On va essentiellement chercher des filles en REP (ndlr réseaux d’éducation prioritaire), qui dépendent donc de collèges potentiellement aussi mauvais que Gérard Philipe (rires). Ce qu’on leur vend, c’est un soutien scolaire et un suivi personnalisé au quotidien ». Un accompagnement au cœur de la mission du club, qui participe même aux frais de transport et d’habillement de ses recrues : « L’idée est de lever, dans la mesure du possible, tous les freins à la pratique. »
Cet investissement, Agnès ne l’envisage pas comme unilatéral : « On donne tout à ces filles, mais on attend aussi beaucoup d’elles en retour : pas de zéro, de retard ou d’absence ! ». Exigeant, PB18 ne mise pourtant pas tout sur la performance : « Si on est aujourd’hui reconnu pour le haut niveau, le basket reste finalement un outil » nuance Agnès, persuadée que la singularité du club tient avant tout à ses convictions. Écoles de basket gratuites pour les petites de CE2 à CM2, ateliers de parole menés par des psychologues, initiations pour handicapés mentaux… le projet social de PB18 est sans limite. Ou presque : « Ce qui nous manque, c’est un soutien à long terme : même si la perspective des JO donne la bonne impulsion, les subventions publiques dépendent du bon vouloir des politiques. Seuls des financeurs privés nous permettraient de pérenniser nos actions : l’arrivée de Nike était inespérée ».
La relève est bel et bien assurée au PB18 qui, façon poupée russe, cache d’autres initiatives, comme PB18 Girls Squad, conçue pour initier au sport des filles âgées de 16 à 18 ans : « Elles n’en font pas ou plus, l’idée est donc qu’elles s’y remettent pour qu’elles se défoulent » explique Rama, 17 ans, tête pensante du projet. Quatre centres – implantés dans les 17e, 18e et 19e arrondissements, ainsi qu’à Stains, dans le 93 – proposent chaque semaine des cours de basket donc, mais aussi de danse, de hand, de foot, ou de double dutch, dispensés gratuitement par une équipe d’animation exclusivement féminine : « À cet âge, on a besoin de se confier, on est là pour ça aussi » ajoute Rama. Même sincérité chez Crossover, une junior association qui organise des tournois de basket mixtes inter-quartiers pour mieux combattre les préjugés, qui en matière de sport, ont plus qu’ailleurs la peau dure : « Quand on joue en street, on se prend des réflexions : “Elle ne sait pas courir, elle ne sait pas shooter”… Les stéréotypes, ça va deux minutes, c’est pour ça qu’on a créé Crossover » martèle Rama.
PB18 n’est pas un club, c’est une communauté : « L’idée est de fédérer le maximum d’acteurs en les encourageant à être force de proposition. On ne fait pas suffisamment confiance aux jeunes » déplore Agnès. Pour l’heure, plusieurs chantiers l’absorbent : l’ouverture d’un nouveau gymnase au bout de la rue, en septembre 2020, un supposé rapprochement avec le Stade Français de basket dans le 16e, voulu par la Ville de Paris mais qui ne ferait selon l’intéressée aucun sens, contrairement à l’inauguration en 2023 porte de la Chapelle de l’Arena II, pourvu de deux gymnases suréquipés. « Là, il y a peut-être quelque chose à construire » espère Agnès qui s’évertue par ailleurs à monter une académie, « l’équivalent d’un sport-étude géré ici, en privé ». Une envie qui procède de la frustration latente chez les sportives quant à la qualité de l’enseignement qui leur est proposé : « On ne tire par le meilleur de chacune. Si le prof de maths est absent pendant un mois et demi, c’est pas grave. Si le prof de français est novice et n’apprend rien ou pas grand chose à ses élèves, c’est pas grave. C’est jamais grave. » Agnès, elle, ne l’entendra jamais de cette oreille.
Il nous donne rendez-vous au 25 boulevard du Temple, à deux pas de la place de la République. « Hair Corner For Men » lit-on sur la devanture. À priori, on est loin des parquets. En attendant « Big Doun », on observe le ballet des garçons-coiffeurs vêtus de tabliers floqués « 235th Barber Street », depuis notre simili chesterfield. Playlist hip-hop de rigueur, clientèle sapée – et rasée – comme jamais, attributs décoratifs tout droit sortis d’un épisode de The Wire, l’énigme Quai 54 est posée là, dans ce concentré de culture américaine. Hammadoun Sidibé, le maître des lieux, arrive une heure plus tard, affable et affamé : entre deux bouchées de porc caramel, il se raconte et son histoire, il faut l’avouer, a tout d’une saga. Aîné d’une fratrie de cinq, il grandit à Choisy-le-Roi, cité Henri-Barbusse. À l’été 91, en vacances chez sa tante à New-York, il reste scotché devant la retransmission d’un match, une finale de la NBA opposant les Bulls de Chicago aux Lakers de Los Angeles. De retour à Paris, il s’inscrit au club de Choisy, présente quatre ans plus tard, en terminale, un exposé sur le développement de la marque Jordan, avant de vendre sur les bancs de la fac de Créteil des sapes chinées à Manhattan, alors encore introuvables en France. « À l’époque, on ne jurait que par le Prince de Bel-Air, c’était un bon business plan. »
Hammadoun rêve grand et américain. Les guichets de la BNP ou les allées de Paris Expo Porte de Versailles ? Très peu pour lui : « J’ai toujours eu beaucoup de mal avec la subordination ». D’autant qu’il vit en parallèle les premières heures de Mafia K’1 Fry (ndrl la statuette du meilleur album rap décrochée par le collectif aux Victoires de la musique en 2000 trône ici en évidence) et que la balle orange, qu’il taquine à la Halle Carpentier ou sur le terrain de Tolbiac, concentre toute son attention. En 2003, alors que les réseaux sociaux n’existent pas encore, il organise à Levallois une rencontre sur un playground qui lui avait tapé dans l’œil, au 54 quai Michelet. Malgré la canicule, l’événement attire plus de mille curieux. L’adresse devient signature et dix-sept ans plus tard, Quai 54 figure parmi les tournois de streetball les plus réputés au monde. Une success story qui doit beaucoup à son équipe : en businessman avisé, Hammadoun a très tôt su s’entourer. Parmi sa garde rapprochée, il y a Thibaut de Longeville, Almamy Soumah, ou Hugues Lawson. Une ruche qui travaille dur et arrange, édition après édition, le mariage entre jeu et show. Calqué sur le légendaire Rucker Park à Harlem, l’événement, autoproclamé « rendez-vous officiel du basket, du hip-hop et de la culture urbaine », réunit chaque été 160 joueurs : le temps d’un week-end, seize équipes représentant pas moins de dix nations disputent quinze matchs sur un rutilant playground éphémère, installé tour à tour au Trocadéro, sur le Champ-de-Mars ou place de la Concorde. « La Ville de Paris nous a toujours apporté son soutien et on le lui rend bien : le Quai véhicule une image positive des quartiers, de la mixité, et donc par extension de la capitale. » Sur le terrain et tout autour, la fête bat son plein. Dunk contest, soundsystem, casting d’invités superstars, collection brandée Jordan… Hammadoun ne ménage pas ses effets. « Je ne suis pas là pour faire un showcase d’amateurs ou un tournoi à la cool. J’ai pris le parti de l’élite. Pour beaucoup, le Quai reste un cas d’école ». Une machine bien huilée qui s’enraye soudainement en 2015, quand, victime de son succès, l’événement tourne à l’émeute place de la Concorde. Michael Jordan, tant attendu, ne se montrera jamais. C’est la douche froide : « Après ce retour de flammes, on s’est concentré sur l’essentiel. Avant, on ne dévoilait jamais le programme, parce que tout était gratuit. Depuis, on annonce clairement les surprises qu’on réserve. » Et ça marche : « L’été dernier, on était sold out un mois avant l’événement. Le public, il faut l’éduquer. Les habitués du Quai savent le travail qu’il y a derrière, et qu’au prix du billet (ndrl entre 30 et 50 €), c’est cadeau. » Sur la prochaine édition, Hammadoun ne dira rien. Tout juste qu’il œuvre à intégrer les filles au programme afin qu’elles soient « aussi exposées que les hommes. » Rendez-vous les 4 et 5 juillet pour « la plus grosse block party de l’année ».
Drancy, Lycée Eugène Delacroix, le 29 septembre dernier. On est dimanche et pourtant, des rires en cascade fusent depuis le gymnase. Une centaine d’adolescentes en panoplie Nike y passeront la journée à jouer, écouter, et apprendre. C’est la promesse de Take your shot, initiative lancée il y a trois ans par Diandra Tchatchouang, ailière star de l’équipe de France évoluant à Lattes-Montpellier : « Je me demandais ce que je pouvais mettre en place pour aider ces filles qui me faisaient tout simplement penser à moi à leur âge. » En marge de Study Hall, l’association de soutien scolaire personnalisé qu’elle crée pour les sportifs de la Courneuve, la ville qui l’a vue grandir, elle porte une attention particulière aux basketteuses U13 et U15, licenciées dans les clubs de Seine-Saint-Denis : « Plus jeune, l’école n’était pas ma tasse de thé. J’ai fait les bonnes rencontres au bon moment ce qui m’a permis d’arriver où j’en suis aujourd’hui. Ce que j’ai reçu, je voulais le rendre, en mettant les filles sur la bonne voie. »
L’événement, organisé en partenariat avec la Ligue Féminine de Basket et le Comité Départemental de Basket de Seine-Saint-Denis, encourage concrètement les adolescentes à pratiquer le basket : « Parce qu’il faut compter en moyenne 100 € pour une licence, notre partenaire Nike a mis en place des bons de réduction pour la centaine de participantes ». Mais ce n’est pas tout : « Si le basket est évidemment l’argument qui prime quand il s’agit de mobiliser une centaine de participantes le temps d’une journée, derrière, le message est plus éducatif ». Pour mieux les inciter à prendre leur destin en main, l’internationale tricolore invite des « personnalités inspirantes » à venir raconter leur « parcours d’excellence ». Après la journaliste et militante Rokhaya Diallo en 2017, la rappeuse et enseignante Amy Sidibé en 2018, quatre femmes d’influence ont répondu à l’appel en septembre dernier : Laura Georges, ancienne footballeuse et secrétaire générale de la Fédération Française de Football, Mary Patrux, journaliste sportive, présentatrice du magazine “NBA Extra” sur beIN Sports, Inès Seddiki, fondatrice de l’association Ghett’up, et Joanne Dominique, diététicienne nutritionniste. « Joanne était là pour répondre aux questions que se posent généralement les filles à cet âge où elles découvrent leur corps et que beaucoup de changements s’opèrent. Ce n’est pas naturel pour une jeune-fille de douze ans de se mettre en short devant une équipe de garçons ! Elles sont très pudiques, et c’est aussi pour cela que l’événement est strictement féminin ».
Parce que « la mode leur parle beaucoup », pour la prochaine édition prévue au printemps à Montpellier, Diandra songe à convier une ancienne miss France. On l’aura compris, Take your shot ne court pas après la performance : « L’objectif n’est clairement pas une détection. Quand j’observe les filles jouer et que j’en remarque certaines avec des aptitudes au-dessus de la moyenne, je ne suis pas indifférente. Mais ce n’est pas le but. Quelque soit leur niveau, toutes les filles sont les bienvenues. Il leur suffit juste de s’inscrire. Avec Take your shot j’essaie de leur dire qu’elles ont leur place partout ».
« J’ai commencé à le fréquenter à l’âge de 8 ans. Quand je suis revenu en 2012, rien n’avait changé, c’était toujours un petit club de quartier dans lequel il ne se passait pas grand chose. » Lassé par l’inertie de la JAM (Jeunesse Athlétique de Montrouge), un club omnisport centenaire du sud-ouest parisien, Arthur Oriol décide de passer à l’action : « On avait des envies de voyages, de tournois, de nouveaux maillots, on voulait faire bouger les choses. » Avec la complicité de Zoubir Ghanem, il repart de zéro ou presque en fondant en 2015 sa propre association, Basket Paris 14, et le club éponyme : « On a pu conserver les coachs de l’époque, les droits sportifs et récupérer tous les créneaux auprès de la mairie du 14e ». Pensé comme « une grande famille », Basket Paris 14 entend surtout muscler son jeu : « Dès qu’on avait un joueur de bon niveau, il nous quittait pour aller à Charenton, à Levallois ou à Nanterre. On a mis un point d’honneur à proposer une formation de qualité pour conserver nos talents. On a tout restructuré par le bas, en encadrant nos plus jeunes pousses par nos meilleurs coachs. » Une exigence qui garde le sens de la mesure : « Avec Michael Alard, notre directeur technique, on ne recrute qu’en cas de besoin, pas à tour de bras, pour s’inscrire dans une vraie continuité avec nos joueurs. On ne veut pas perdre notre âme par souci de performance ».
C’est avec la même conviction qu’Arthur Oriol défend l’arbitrage, une discipline d’ordinaire boudée par la profession : « Certains week-ends, 20 à 30 matchs n’étaient pas couverts par des arbitres officiels. Il fallait réagir ». Au-delà des séances d’initiation ou des journées découvertes pour les tout-petits et leurs parents, Basket Paris 14 saute le pas et crée en 2016 sa propre école d’arbitrage : depuis, elle dispense une formation diplômante et valorise un métier aussi mal aimé qu’indispensable. Autre cheval de bataille du BP14, la pratique féminine. Alors que le club ne compte à ses débuts que 30 inscrites sur 250 adhérents, elles sont aujourd’hui 180 joueuses et 4 coachs à lui insuffler une nouvelle dynamique. Un élan qui, selon Arthur Oriol, doit aussi beaucoup à l’investissement d’Alicia Hilaire, secrétaire générale et joueuse de l’équipe 1 filles, et de Marie Giard-Yenga, membre du Comité Directeur et maman de deux jeunes joueurs. « À mesure que la demande grandissait et que les filles affluaient, la vie du club a radicalement changé : va demander à un garçon de 14 ans de tenir la buvette pendant un match ! Il n’y a pas de secret, les filles sont beaucoup plus volontaires. Elles ont gagné leur place et ne sont plus considérées comme là par défaut. Cet engagement s’est fait naturellement, pas de manière contrainte ou forcée. On ne veut rien faire de politique, c’est pour cette raison qu’on ne développe pas de section handibasket : sans demande, ni spécialiste, on ne voulait pas agir dans le seul but d’obtenir des subventions. »
Une éthique que Basket Paris 14, dans un esprit citoyen, décline à l’espace urbain : pour mieux « renforcer le maillage inter-associatif et la vie de quartier », le club soumet chaque saison un nouveau projet au vote, dans le cadre du budget participatif de la Ville de Paris. Deux terrains ont ainsi déjà fait peau neuve : le playground de la rue Paturle, près de la porte de Vanves, et le gymnase Cange, entre Plaisance et Pernety, dont le parquet flambant neuf porte désormais les couleurs du club hyperactif. Prochaines échéances ? La rénovation des gymnases Didot et Jules Noël prévue pour cet été. Autant d’équipements haut de gamme qui devraient permettre au BP14 et à ses 700 licenciés d’entrer dans « la cour des grands ».
Entorse magazine #3, Jan 2020.